« Un début de soirée. Je suis dans le train direction Saint Lazare. Ces moments dans les transports sont sources d’observation pour moi, je regarde les gens, les humains qui m’entourent. C’est riche. La plupart sont les écouteurs dans les oreilles, dans leur bulle, ou les yeux plongés dans leurs téléphones. Ils passent leur temps. Un homme passe en rampant, il n’a qu’une jambe, il mendie en rampant et cherchant l’attention d’un bienfaiteur qui lui permettra de manger peut-être tout à l’heure. A cette heure de pointe, il ennuie tout le monde, indifférence générale, la misère à cette heure-là un vendredi soir n’intéresse personne. Tous n’ont qu’une idée, rentrer chez eux, partir en we, ou oublier qu’ils sont là.
Un homme entre alors dans la rame, élégant, en grande conversation avec quelqu’un à l’autre bout de la ligne de son téléphone. Il est en face de moi debout. Mon regard est attiré par la ligne des vêtements qu’il porte, la coupe est parfaite. A chacun de ses mouvements, le tissu bouge avec classe, souplesse de l’étoffe qui se remet en place, ma curiosité est piquée. Mon regard s’attache à ses mains, belles, parfaitement manucurées, grandes, j’aime. Il parle boulot mais je suis sûre qu’à cet instant il sent qu’il est observé. A sa façon de bouger, de poser sa main libre sur sa hanche, puis de changer de position, il pose en quelque sorte. Cela peut être parfois attendrissant de sentir l’émoi de quelqu’un qui mal à l’aise d’être observé, se donne une contenance. Souvent à ce moment-là, mon regard se détourne car mon intention n’est pas d’embarrasser. Je pense être discrète dans mon observation mais un regard ça se sent. Là ce n’est pas le cas, je perçois qu’en fait le bonhomme se regarde, se regarde se faire regarder, par moi ou par d’autres, c’est ce qu’il « aime ». C’est son besoin. La scène devient comique de superficialité. Un bel homme classe, creux et dénué de présence. Un humain qui espère vivre dans le regard des autres pour sentir qu’il existe. Sans doute que mon « jugement » est hâtif, la course est courte et c’est une distraction de trajet pour moi sans intention de juger.
La Rochefoucauld disait : « La coquetterie, c’est la disposition qui cherche à inspirer de l’amour sans en ressentir soi-même. Le plus grand miracle de l’amour est de guérir de la coquetterie. »
J’arrive à Saint Lazare, fin de ma réflexion, si l’on est présent à soi-même cela se voit. »
Nathalie Vieyra
« Un début de soirée. Je suis dans le train direction Saint Lazare. Ces moments dans les transports sont sources d’observation pour moi, je regarde les gens, les humains qui m’entourent. C’est riche. La plupart sont les écouteurs dans les oreilles, dans leur bulle, ou les yeux plongés dans leurs téléphones. Ils passent leur temps. Un homme passe en rampant, il n’a qu’une jambe, il mendie en rampant et cherchant l’attention d’un bienfaiteur qui lui permettra de manger peut-être tout à l’heure. A cette heure de pointe, il ennuie tout le monde, indifférence générale, la misère à cette heure-là un vendredi soir n’intéresse personne. Tous n’ont qu’une idée, rentrer chez eux, partir en we, ou oublier qu’ils sont là.
J’arrive à Saint Lazare, fin de ma réflexion, si l’on est présent à soi-même cela se voit. »